Présentation UFC 238 – Championnats sous-côtés et challenge de guerriers
C’est encore une fois sur fond de polémiques que se disputera ce week-end l’évènement pay-per-viex mensuel de l’UFC : Titre poids coqs remis en jeu après destitution de TJ Dillashaw, nouvelle ascension express d’un possible champ-champ en la personne d’Henry Cejudo, sous-médiatisation du championnat féminin détenu par Valentina Shevchenko au profit du rapidement booké Ferguson/Cerrone, données finalement assez dérisoires tant la carte met l’eau à la bouche. Présentation détaillée des cinq combats principaux et synthèse des autres affrontements.
Championnat poids coqs : Henry Cejudo (14-2) vs Marlon Moraes (22-5-1)
Au sortir des deux victoires les plus importantes de sa carrière, l’une contestable (décision partagée des juges pour prendre le titre des mouches à Demetrious « Mighty Mouse » Johnson), l’autre sans appel (destruction de TJ Dillashaw en une trentaine de secondes pour conserver la couronne des 56 kg), Henry Cejudo s’est ouvert une voie royale pour repasser à sa catégorie d’origine, les 61 kg. Son agressivité retrouvée lors de ses dernières rencontres était déjà un signe annonciateur, lui le champion Olympique de lutte libre (Pékin 2008) qui avait parfaitement réussi ses débuts MMA dans des compagnies américaines de second rang en 2013. Ses quatre premiers succès ont tous été signés par TKO au premier round. Il s’avérera par la suite, au Legacy FC et un peu plus encore à l’UFC, le profil-type du combattant venant de la lutte, capable d’imposer une domination tactique pour se spécialiser dans les victoires par décision. La logique sportive ordonnait un rematch avec Dillashaw, avec cette fois le titre de ce dernier dans la balance. Un test antidopage positif venant contrarier les plans de l’UFC, et causer une lourde suspension à The Snake, les matchmakers ont logiquement piocher dans la liste d’attente des prétendants poids coqs, où Marlon Moraes figure en première position. Champion ultra-dominateur au temps de la superbe du WSOF (aujourd’hui PFL) entre 2014 et 2016, l’élève de l’illustre Ricardo Almeida n’a pas ralenti la cadence en arrivant dans la big league. Et ce malgré une défaite inaugurale au goût amer (décision partagée sur cinq rounds en faveur de Raphael Assuncao en juin 2017), finalement vengée avec la manière en ce début d’année 2019 (étranglement en guillotine au premier round). Ce succès express devant son compatriote vient se placer dans la continuité de performances tonitruantes devant d’autres grands espoirs de la division : Aljamain Sterling, grappler des plus accrocheurs et créatifs, éteint d’un coup de genou furtif au bout de 67 secondes tandis que Jimmie Rivera, sur une série de vingt succès de rang (notamment au Bellator, KOTC et ROC) au moment de croiser la route de Moraes, succombe à un head kick en un temps moitié moindre encore. Le Brésilien saura-t-il imposer son grain de folie pour contrer le style intensif du lutteur américain ? Éternel outsider, Cejudo pourrait surprendre et choisir d’opter pour ses atouts issus du karaté plutôt que s’acharner dans les takedowns, tandis que Moraes est attendu sur ses enchaînements de muay thaï. Autre facteur à prendre en compte : l’endurance, la grande inconnue du soir puisque les deux compétiteurs ont rarement livré des duels sur cinq reprises.
Championnat poids mouches femmes : Valentina Shevchenko © (16-3) vs Jessica Eye (14-6 + 1nc)
Sur le papier, on croirait une autoroute en faveur de la championne russe, seulement vaincue à deux reprises par sa nemesis Amanda Nunes depuis son arrivée à l’UFC. Aussi, le titre des mouches acquis fin 2018 après un échec à celui des coqs l’année précédente, a paru comme un lot de consolation de la part de l’organisation. Voilà en effet une nouvelle catégorie comptant peu de candidates crédibles pour contester son leadership. Cependant, la légende féminine du kickboxing devrait se méfier. Si elle revient de loin (une seule victoire en sept combats entre 2013 et 2016), Jessica Eye a su faire fructifier une longue convalescence pour revenir plus déterminée en 2018 et enchaîner trois victoires, toutes par décision tant il est clair que l’Américaine ne sera jamais une finisseuse, position qu’elle assume et peut-être son meilleur atout pour surprendre une Shevchenko se complaisant dans un statut de contre-attaquante. Comment la championne réagira-t-elle face à une challengeuse se contentant de techniques de corps-à-corps au lieu d’enclencher un striking frontal ? En signant récemment dans l’équipe d’entraînement de Randy Couture, Eye a dévoilé un indice de plus quant à la stratégie qui devrait être la sienne. Parviendra-t-elle à faire de ce duel un remake du premier Liddell/Couture où le contre-emploi des combattants avait stupéfié les fans ? Réponse dans la nuit de samedi à dimanche, et sûrement bien plus vite que les cinq rounds prévus.
Poids légers : Tony Ferguson (24-3) vs Donald Cerrone (36-11 + 1nc)
Un des plus marquants vainqueurs de The Ultimate Fighter, possédant tout l’arsenal nécessaire pour devenir une légende à court terme, face à un homme devenu une icône de son sport sans même avoir eu besoin de détenir une ceinture. Qui a dit que le public américain aimait seulement les winners ? Donald Cerrone cultive volontiers son statut de valeur sûre, hyper prolifique de surcroît avec une moyenne de 4/5 combats par an depuis 2011, mais échouant lors de chacune de ses occasions de remporter une ceinture majeure. Depuis qu’il est auréolé de son statut de nouveau père, le Cowboy enquille les victoires, ce qu’il attribue très sérieusement à son fils. Aussi, lorsque l’UFC lui ouvre la porte pour défier le #2 de la division, il n’hésite pas. Il sort pourtant d’une victoire intense sur cinq rounds devant Al Iaquinta début mai. Ce bref délai paraîtrait fou à n’importe quel combattant installé, mais Cerrone tient à son image de Captain Courage. Quelles sont les chances du recordman des bonus post-fight (17) face à un Ferguson sur une impressionnante série de onze succès ? El Cucuy fut même un temps couronné champion intérimaire avant que des circonstances défavorables l’exclut de la chasse au titre à part entière. Âgé de seulement un an de moins par rapport au Cowboy, pas franchement dans les petits papiers de Dana White, le temps file en sa défaveur, il devra s’imposer avec la manière pour challenger le vainqueur du choc Nurmagomedov/Poirier (prévu début septembre). Vu le style très agressif des deux concurrents, on peut parier sur un finish assez radical. Vraisemblablement supérieur dans les phases au sol, Ferguson devra minorer sa propension rentre-dedans en stand up, cause de nombreux knockdowns par le passé, jusqu’ici sans conséquences sur l’issue finale des affrontements. Le risque paraît moindre quant à l’avenir de Cerrone, porté autant par son aura que par ses résultats.
Poids coqs : Jimmie Rivera (22-3) vs Petr Yan (12-1)
Le premier semble avoir perdu de son mojo depuis deux récentes défaites face à Marlon Moraes et Aljamain Sterling, tandis que le second continue de gravir patiemment les échelons pour devenir l’une des grosses attractions du millésime 2018-2019 (quatre victoires de rang dans l’Octogone, sept sur l’ensemble de sa carrière). D’où les deux évidentes questions émanant de ce match up : Rivera, actuel #7 des poids coqs, poursuivra-t-il sa dégringolade ? Petr Yan, sensation européenne du moment, #9 de la division, saura-t-il convaincre pour son premier gros test UFC ? Car aussi outrageuse fut la domination du Russe sur John Dodson en début d’année, elle est peu significative tant le niveau du vainqueur du TUF 14 (fin 2011) n’est plus ce qu’il était. En lui faisant resigner un deal pour six combats, la compagnie américaine lui accorde une confiance redoublée à l’heure de pénétrer enfin le marché russe, une défaite éventuelle écornerait peu son statut naissant. Rivera jouera plus gros en revanche, lui dont l’aura s’est forgée par une longue série de victoires entre 2009 et 2017, avant d’être court-circuité aux portes du title shot. Ce spécialiste de karaté kyokushin regardera sans doute d’un œil envieux le choc Cejudo/Moraes… Se sera-t-il relancé dans l’intervalle ?
Poids lourds : Tai Tuivasa (8-1) vs Blagoy Ivanov (17-2 + 1nc)
Choc intéressant entre deux récentes recrues de l’organisation, qui présentent la caractéristique d’avoir enregistré une défaite face au même homme, le Brésilien Junior Dos Santos, en plein revival. Des espoirs légitimes ont été placés en eux : d’un côté Tai « Bam Bam » Tuivasa, 26 ans et un physique atypique rappelant fortement Mark Hunt. L’Australien, actuel #11 de la division, partage avec son voisin Néo-Zélandais le goût de la castagne « à l’ancienne », n’est assurément pas le combattant le plus esthétique du circuit, mais il donne du spectacle et a prouvé son endurance lors de son seul combat fini à la décision (victoire sur Andrei Arlovski). Ses expériences pro en boxe et kickboxing sont un atout supplémentaire dans une catégorie se définissant essentiellement par le striking. Son adversaire bulgare n’a rien à lui envier en termes de parcours MMA puisqu’il a déjà foulé les tapis du Bellator (une finale de tournoi perdue contre Alexander Volkov en 2014) avant de régner durablement au WSOF/PFL. Formé à l’art du sambo, Blagoy Ivanov affiche sur le papier une polyvalence supérieure et ses résultats le traduisent, autant de succès par KO/TKO que par soumissions, une rareté pour un poids lourds. En vingt combats pros, il n’a jamais été sonné pour le compte et été à six reprises jusqu’à la décision des juges. Une carte de visite qui en fait un favori, si tant est qu’il ne se perde pas dans la tentation du calcul face à un Tuivasa capable de coups de folie salvateurs.
Un mot sur la carte préliminaire : Prédominance des femmes et quelques valeurs sûres
C’est décidément un vrai tour d’horizon de la division poids coqs que nous propose cette fightcard puisque deux autres combats à 61 kg figurent en préliminaire : l’un sonne comme une ultime opportunité pour un Eddie Wineland déclinant (23-13-1, 5-7 UFC), dans le rôle du gatekeeper pour accueillir la recrue Grigory Popov ; l’autre induit un intérêt plus important pour le classement de la division avec le #3 Aljamain Sterling confronté au #4 Pedro Munhoz, étonnant d’ailleurs de ne pas le retrouver sur la carte principale à la place de Rivera/Yan. Chez les plumes, c’est un duel de stylistes auquel on devrait assister entre Ricardo Lamas et Calvin Kattar, deux combattants rarement ennuyeux. Mais ce sont les femmes qui se taillent la plus grosse part du gâteau, avec notamment trois duels dans la plus petite catégorie, aussi la plus fournie en l’occurrence. La star du soir sera la Polonaise Karolina Kowalkiewicz, ancienne challengeuse de sa compatriote Joanna Jedrzejczyk.
La carte complète et les résultats de l’UFC 238 Cejudo vs Moraes sont disponibles ici.
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C’est rare de voir une analyse aussi detaillé de la carte .
Merci beaucoup