Présentation de l’UFC 223 : Un énorme évènement malgré tout ?
Un champion intérimaire qui doit se désister, un ancien champion inactif n’acceptant pas d’être destitué au point de monter une attaque insensée à deux jours du show, une ancienne leader revancharde, un remplaçant de luxe en lice pour un authentique exploit… retiré à son tour de la carte par les médecins. Voilà pour l’essentiel des ingrédients d’une édition UFC organisée dans un climat tendu.
Même lorsqu’il se tient à l’écart de l’Octogone Conor McGregor parvient à influencer le déroulé des shows de la numéro un mondial des MMA. Aussi, à J-2 du show de Brooklyn, l’Irlandais et son équipe n’ont rien trouvé de mieux à faire qu’attaquer (lancement de gros objets contre les vitres) un des tour bus de l’UFC, ceci à l’issue de la conférence de presse. Cet acte fou a provoqué l’annulation de trois rencontres, dont celle concernant Artem Lobov, membre de la team McGregor et lui-même impliqué dans cette assaut. Bien dur de se recentrer sur l’aspect sportif dans ces conditions, mais le gala a préservé tout son intérêt via ses deux championnats mondiaux et les outsiders promus en carte principale.
Championnat poids légers : Khabib Nurmagomedov (25-0) vs Tony Ferguson (23-3) vs Max Holloway (19-3) vs Al Iaquinta (13-3-1)
Une démonstration de quinze minutes est souvent plus parlante qu’un succès par KO express. Le pour l’instant invincible Nurmagomedov nous l’a rappelé face à Edson Barboza en fin d’année dernière. À 29 ans, The Eagle s’affirme comme l’un des combattants les plus complets du circuit, toutes catégories confondues, et la répartition égalitaire de ses victoires tend à le confirmer (huit KO, huit soumissions, neuf décisions). Enfant du Sambo, discipline chère aux ressortissants de l’ex Union Soviétique, le Russe a fait fructifier ses savoirs via son affiliation à différentes équipes et les collaborations avec de multiples entraîneurs. Membre depuis 2013 de l’AKA, véritable école des champions (Daniel Cormier, Cain Velasquez, Liam McGeary, Germaine de Randamie), il a perfectionné son stand up pour gommer une de ses rares failles. Via sa lutte intense et son impressionnant cardio, Khabib impose une pression constante à ses adversaires, les use jusqu’à pouvoir passer la garde ou tenter des manœuvres conduisant à l’abandon. Sa dimension physique lui promet encore de belles années dans l’Octogone, et sans doute à terme une montée chez les welters voire les moyens. Lors des championnats mondiaux de Sambo, il lui arrivait d’être à plus de 80 kg.
Comment ne pas saluer dans cette perspective le courage du champion poids plumes (66 kg) Max Holloway, prenant ce combat au pied levé lorsque l’opposant initial, Tony Ferguson, a dû renoncer à six jours du show ? L’Hawaïen aurait eu pour lui une certaine vitesse d’exécution, une richesse de striking assez rare et sans doute un game plan visant à maintenir le duel debout. Aurait-t-il été le premier à résister aux astucieux takedowns de Nurmagomedov ? On ne le saura pas puisque le jour de la pesée l’équipe médicale a refusé son implication dans le show et Holloway a stoppé son cutting.
Pour conserver à tout prix ce match pour le titre, l’UFC a offert un accessit à l’un des deux autres poids légers présents en carte principale. Ainsi, l’ancien finaliste du TUF 15 Al Iaquinta, classé seulement #11 jouera son va-tout pour créer ce qui serait déjà la plus grosse surprise de l’année. De base un simple castagneur, l’Américain est devenu plus précis au fil des années, bien que s’appuyant essentiellement sur une boxe anglaise traditionnelle. Il reste sur cinq victoires de rang, dont certaines face à quelques historiques du circuit (Diego Sanchez, Ross Pearson, Joe Lauzon) et présente un score global de 8-2 dans l’Octogone. Au vu de son niveau au sol inférieur à la norme, Iaquinta voudra sans doute maintenir l’affrontement en stand up. Perspective cependant insuffisante tant ces manquements en lutte sont pénalisants. Plus que jamais ce main event devient une affiche entre un ultra-favori (Nurmagomedov) et un underdog inattendu.
Championnat féminin poids pailles: Rose Namajunas (7-3) vs Joanna Jedrzejczyk ((14-1)
Jour de chance ou avènement d’une championne de long terme ? Cette revanche très attendue devrait répondre aux interrogations germant d’une première manche stupéfiante en novembre dernier. Rose Namajunas refuse d’être une « James Buster Douglas » de plus, tandis que l’ancienne impératrice de la division, la Polonaise Jedrzejczyk (cinq défenses de titre entre 2015 et 2017) entend remonter aussitôt sur le trône. Ce deuxième acte promet d’être extrêmement tactique, loin de la fougue caractérisée de cet UFC 217 où trois minutes avaient suffi pour couronner l’Américaine. Une durée prolongée du duel pourrait profiter à l’ancienne championne, véritable reine sur cinq rounds tandis que sa rivale a tendance à décliner au fil du combat. À moins que Joanna décide de mettre fin aux critiques quant à son défaut de créativité pour concrétiser ses dominations. Sa longue expérience en kickboxing et boxe thaï est censée constituer un avantage sur Namajunas, sa cadette de cinq ans, pour sa part dénuée de carrière pré-MMA d’envergure. Aussi le travail de sape destructeur d’une Jedrzejczyk touche également au mental de ses opposantes, autre atout fondamental tant l’Américaine est susceptible de perdre ses moyens dans les grands événements : on se rappelle ses précédents échecs majeurs, lors de l’instauration du titre pailles contre Carla Esparza ou lors d’un title eliminator face à Karolina Kowalkiewicz. Plutôt que de vouloir réitérer un KO surprise, Namajunas aura intérêt à déplacer le combat sur le terrain du jiu-jitsu brésilien, seule discipline dans laquelle sa supériorité sur la Polonaise est avérée. On peut aisément l’imaginer « tirer la garde » plutôt que s’acharner à amener au sol une Jedrzejczyk spécialiste des sprawls. Autant de données théoriques sur le papier n’excluant pas un nouveau finish spectaculaire.
Poids plumes : Renato Moicano (11-1-1) vs Calvin Kattar (18-2)
Match de la relance pour l’un (Moicano), du strapontin pour l’autre (Kattar). Le Brésilien a-t-il affiché ses limites face au prodige Brian Ortega (tombeur depuis de Frankie Edgar) en juillet dernier, pour ce qui constitue la seule défaite de sa carrière ? Peut-on considérer son opposition face au besogneux américain Calvin Kattar comme une embuscade ? Les tendances sont amenées à être rapidement bouleversées dans une catégorie poids plumes où un dit « has been » comme Jeremy Stephens (vaincu par Moicano à la décision en avril 2017) s’est positionné dans le top 5 grâce à une présence renforcée (trois victoires en l’espace de six mois). Les deux opposants du soir sont pour l’heure aux portes du top 10, faute d’avoir passer un palier significatif. Si l’ancienne figure importante du Jungle Fight a peu à gagner dans ce duel, son concurrent a l’opportunité de donner de l’épaisseur à une série de dix victoires peu significative. Kattar sort d’une prestation convaincante devant l’ex-invaincu Shane Burgos, auréolée d’ailleurs du bonus « fight of the night » au soir de l’UFC 220, carte comprenant pourtant deux championnats du monde. Mêmes circonstances, même finalité ?
Poids plumes : Zabit Magomedsharipov (14-1) vs Kyle Bochniak (8-2)
La présence de Magomedsharipov sur la même carte que Nurmagomedov rend la comparaison trop tentante. Bien que situé à ce jour en dehors du top 15 des plumes, Zabit possède un background assez similaire à celui de son compatriote. Ses premiers pas UFC lors du dernier trimestre 2017 ont été tout aussi étincelants, conclus par deux soumissions et deux bonus « performance of the night ». Simple buzz ou sensation durable ? L’UFC semble vouloir s’épargner une descente en flèches en lui servant le pâle Kyle Bochniak pour sa troisième levée octogonale. Jusqu’ici l’Américain alterne succès et revers en quatre apparitions UFC, et va toujours à la décision. Son striking assez rudimentaire, constitué de larges crochets et de saisies propres au muay thaï, ne paraît pas en mesure de contrecarrer la polyvalence du Russe. À première vue peu impressionnant, faute à un physique peu musculeux en faisant un Monsieur Toutlemonde, Magomedsharipov a étalé son savoir-faire en termes de projections (typiques du judo et sambo) comme de coups de pieds retournés ou d’usage d’angles de frappes improbables. Cette présence en carte principale promet d’être la première d’une longue série.
Poids légers : Al Iaquinta (13-3-1) vs Paul Felder (15-3) Joe Lauzon (27-14) vs Chris Gruetzemacher (13-3)
Le Philadelphien Paul Felder, membre de l’UFC depuis 2014, a connu son meilleur millésime en 2017 avec trois victoires par finalisation, dont un TKO sur Charles Oliveira. Celui-ci est hélas retiré de la carte suite à la promotion acceptée par Iaquinta à la veille du show. La disparition de cette opposition entraîne de facto la montée d’un duel prévu sur la carte préliminaire. Dans ces circonstances l’honneur est accordé au roi des bonus Joe Lauzon (6 « submission of the night », 7 « fight of the night », 1 « knockout of the night » et 1 « performance of the night ») qui pour sa 26e représentation à l’UFC se frottera à la récente recrue Chris Gruetzemacher, déjà en sursis au vu de ses deux défaites de rang. Malgré la même série négative, le légendaire Lauzon (présent depuis l’UFC 63 en septembre 2006) ne risque pas le licenciement en cas de passe de trois.
Un mot sur la carte préliminaire : L’éternel Evan Dunham + une ancienne aspirante au titre.
Quelques stars à distinguer lors des combats de début de soirée. À commencer par la compatriote de Joanna Jedrzejczyk, l’ancienne championne du KSW Karolina Kowalkiewicz, susceptible de prétendre de nouveau au graal de l’UFC en cas de victoire sur Felice Herrig. Spectacle à prévoir avec l’inoxydable Evan Dunham (19e présence UFC) face au Canadien Olivier Aubin-Mercier, révélation du TUF Nations en 2014 et réputé pour sa capacité à dégainer des prises de soumission à partir de n’importe quelle position.
Retrouvez la carte complète de l’UFC 223 ici.