UFC 239 Jones vs. Santos – La soirée de tous les enjeux
Rarement show UFC, même en pay per view, n’aura provoqué autant d’attentes. En dépit de l’avancement du Ngannou/Dos Santos qui devait y figurer à l’origine, nous aurons une carte principale entièrement composée de stars et valeurs sûres du circuit. En point d’orgue la remise en jeu de la ceinture mi-lourds chez les hommes et coqs chez les femmes, mais aussi l’attribution probable des places de challengers à 77 kg comme à 93 kg et un dream match entre deux des plus populaires vainqueurs de The Ultimate Fighter.
Championnat poids mi-lourds : Jon Jones (24-1-1) vs. Thiago Santos (21-6)
Obtenue au moment où on ne l’attendait plus, la place de challenger de Thiago « Marreta » Santos n’en est pas moins logique. Présent dans l’Octogone depuis 2013, le Brésilien doit cette promotion-météorite, dans une division des 93 kg qu’il a rejoint récemment, à la soudaine accélération de son calendrier. Six combats livrés entre février 2018 et février 2019, contre deux à trois pour la majeure partie du roster sur ce laps de temps. Le paradoxe de cette série étant qu’elle ait commencée par un TKO infligé à Anthony Smith, dernier prétendant en date de Jones, alors que les deux hommes évoluaient encore en poids moyens.
En dehors du revers surprise face à Dave Branch, Thiago a enquillé les grosses prestations, retrouvant particulièrement sa superbe de striker muay thaï depuis sa montée chez les mi-lourds en septembre 2018 : TKO et fin des rêves d’ascension d’Eryk Anders, KO « coup de bambou » sur un Jimi Manuwa en bout de course et nouveau TKO à l’usure devant Jan Blachowicz. Le Brésilien a en prime empoché des bonus « fight of the night » ou « performance of the night » pour ces trois dernières sorties. Son style explosif balayant les calculs laisse poindre quelques doutes sur sa capacité à combattre sur cinq rounds, timing théorique auquel il a coupé court les quelques fois où il a été en main event. Faut-il encore présenter le double/triple champion mi-lourds (selon si on considère sa victoire de 2017 sur Cormier avant sa requalification en no contest)
Jon Jones ? Lui n’a jamais eu de mal à disputer l’intégralité des 25 minutes d’un match de championnat ou main event, cas de figure connue à six reprises, pour six décisions en sa faveur bien entendu. Surtout, Bones est le Greatest Of All Time quasi-incontesté depuis sa seconde victoire implacable sur Alexander Gustafsson, son sosie de corps et de style, lors de l’ultime show UFC de 2018. En plus du striking le plus diversifié du circuit, JJ possède une excellente lutte et sait faire parler son jeu au sol quand les circonstances l’exigent (souvenons-nous de son Americana pour se tirer d’un mauvais pas face à Vitor Belfort).
Mais sa plus grosse force, c’est son rival Daniel Cormier qui l’a décrite cette semaine : son allonge phénoménale ! Impossible de prévoir un game plan digne de ce nom tant il restera insaisissable. En apparence, le relativement grand Santos (1m88) paraît armé puisque ne rendant que 5 cm au champion, sauf qu’en termes d’allonge l’écart monte à 22 cm. À l’heure où Dana White manœuvre auprès des commissions sportives pour annuler la pseudo-victoire d’un Matt Hamill détruit par Jones il y a dix ans (à grand renfort de coups de coudes illégaux), Thiago Santos pourrait-il être l’homme par qui le miracle arrive ?
Championnat poids coqs femmes : Amanda Nunes (17-4) vs Holly Holm (12-4)
Deux légendes des sports de combat se font face. Ce statut, elles le conserveront, qu’importe l’issue du duel. La double championne (plumes et coqs) a vaincu tout ce que le MMA féminin a produit de mieux depuis dix ans : Julia Budd (actuelle détentrice des plumes au Bellator), Germaine de Randamie, Valentina Shevchenko (deux fois), Ronda Rousey, Miesha Tate, Cris Cyborg (toutes ex-championnes voire détentrices actuelles dans d’autres catégories), soit une marche quasiment royale depuis son transfert de l’Invicta à l’UFC en 2013. Holly Holm restera d’abord comme une multiple championne de boxe anglaise (33-2-3), reconvertie au MMA à l’orée de ses 30 ans.
Puis ayant su faire fructifier sa célébrité avec une série d’invincibilité à la clé, elle a posé une pierre de plus à son édifice en devenant la première à faire chuter Ronda Rousey. Ce sommet sera suivi de lourde redescente avec un titre poids coqs perdu quatre mois plus tard face à Miesha Tate. Malgré une nouvelle défaite dans la foulée, son statut de star lui permet de concourir directement au nouvellement intronisé championnat poids plumes en février 2017. Nouvel échec aux mains de Germaine de Randamie, soit trois revers de rang.
Pas de souci, Holm a seulement besoin de renouer avec le succès une fois pour prétendre de nouveau au titre des plumes (détenu à ce moment-là par Cris Cyborg). Vaincue mais digne durant 25 minutes, la chouchou du public américain se relance avec une victoire par décision devant Megan Anderson courant 2018. Et la voilà donc propulser dans son cinquième combat de championnat UFC, le quatrième comme challenger. Elle garde toute sa crédibilité en dépit de ses multiples échecs car susceptible de décontenancer n’importe qui par sa technique, sa patience pour construire la victoire. Soit tout l’opposé d’une Nunes particulièrement brutale lors de sa prise de titre des plumes sur Cris Cyborg en décembre dernier.
Elle redescend quelques kilos en dessous pour défendre sa couronne pour la 4e fois avec un net statut de favorite. On attend d’elle un style moins kamikaze, peut-être plus centré sur le grappling où elle paraît intouchable, aussi bien en judo qu’en jiu-jitsu brésilien, mais on ne peut exclure son goût pour l’échange en stand up. Au risque d’être amené sur un terrain plus familier à Holm. Le spectacle devrait être au rendez-vous.
Poids welters : Ben Askren (19-0 + 1nc) vs Jorge Masvidal (33-13)
Deux talents reconnus dans leur milieu, mais en peine de notoriété grand public. Ben Askren a beau avoir collecté plusieurs médailles d’or en lutte puis siphonné les rosters de deux fédérations importantes (Bellator, One Championship), il ne sera reconnu comme l’un des plus grands poids welters de l’histoire qu’à l’aune de son parcours UFC.
Son entrée en matière en mars sonna comme frustrante car Herb Dean arrêta le combat sans que l’on puisse déterminer si le Bulldog Choke d’Askren avait vraiment mis hors circuit Robbie Lawler. L’ancien champion de la division, en apparence groggy, a réagit au quart de tour au moment de l’intervention de l’arbitre, instillant le doute sur le bien-fondé du résultat. En attendant de concourir au titre suprême, Funky se voit proposer un pas en arrière risqué avec Jorge Masvidal, compétiteur dangereux remonté à la place #4 de la division au bénéfice de son impressionnant KO sur Darren Till au printemps dernier.
Le Floridien est une valeur sûre passée par le Bellator, le StrikeForce ou encore le Sengoku, mais n’a jamais su construire une série de résultats pour se hisser au sommet. Sa seule chance pour un titre ayant donné lieu à une décision unanime en faveur de Gilbert Melendez au StrikeForce en 2011. Masvidal passe, à moins que le succès sur Till bouleverse la tendance, pour une sorte d’esthète du combat, beau à regarder mais pas toujours efficace, type de reproches souvent adressés à des concurrents de sa catégorie comme Stephen Thompson ou Carlos Condit. Surtout, ses chances apparaissent limitées tant il semble évident qu’Askren ne va pas se risquer à échanger en boxe et amorcer son travail de lutteur chevronné, le natif de l’Iowa assumant totalement sa réputation de Jon Fitch amélioré. À choisir, on pariera davantage sur un combat tactique qu’épique.
Poids mi-lourds : Luke Rockhold (16-4) vs Jan Blachowicz (23-8)
À peine transféré de la division des 84 à celle des 93 kg que Luke Rockhold affirme déjà haut et fort sa capacité à détrôner Jon Jones. Commençons par passer le piège Jan Blachowicz s’il le veut bien. Le score UFC (6-5) de l’ancien roi du KSW ne traduit pas du tout ses prestations de haute volée, d’autant qu’il a quasiment toujours concouru contre du très lourd. Capable d’envoyer dans les pommes Ilir Latifi (encore dans le top 10 aujourd’hui) en deux minutes pour son arrivée en 2014, le Polonais a ensuite mangé son pain noir avec quatre revers en cinq rencontres entre 2015 et 2017, tous par décision et parfois serrées. Revenu aux choses sérieuses, il enquille quatre succès, prenant notamment sa revanche sur Jimi Manuwa, pour disputer la place de challenger à Thiago Santos en février dernier…avec le résultat que l’on sait.
Son style de contre-attaquant et son puissant uppercut peuvent-ils avoir raison de la science du combat de Rockhold ? Mais à quel Luke Rockhold aurons-nous affaire, celui imbu d’une confiance infinie ou celui qui doutera au premier accroc ? Depuis son inexplicable défaite face à Michael Bisping en juin 2016, perte du titre poids moyens à la clé, il a combattu au compte-gouttes et n’a pas dégagé la même aura. Il faut remonter à février 2018 pour sa dernière sortie peu convaincante (défaite par KO au 3e round face à Yoel Romero alors qu’un titre interim lui tendait les bras).
Pour ceux n’ayant pas la mémoire courte, Rockhold c’est avant tout une extraordinaire polyvalence, un combattant créatif capable de terminer d’une multitude de façons (14 finishs en 16 victoires), l’un des rares à avoir accompli le doublé championnat StrikeForce/UFC. D’où l’immense pression sur ses épaules à l’heure de regoûter à la cage. Ce matchup n’est d’ailleurs pas rentable de son point de vue, car une victoire sur Blachowicz serait peu gratifiante au classement, tandis qu’un échec résonnerait comme un camouflet pour ses débuts à 93 kg.
Poids welters : Michael Chiesa (15-4) vs Diego Sanchez (29-11)
On pourrait croir de prime abord à un choc de vieux briscards pour l’honneur, les deux étant des stars établies ayant une infime probabilité de regrimper un jour dans les classements. On peut relever toutefois les sept ans d’écart et des catégories différentes au sujet de leur victoire respective à The Ultimate Fighter (première édition de 2005 en middleweights pour Sanchez, TUF 15 en lightweight pour Chiesa), autrement dit leur rencontre était loin d’être prévisible puisque jusqu’à 14 kilos pouvaient potentiellement les séparer.
La similitude de leur trajectoire demeure troublante : invaincu jusqu’à leur consécration au célèbre reality show et voué à décrocher une ceinture majeure, ils ont échoué à l’approche de ce plus grand triomphe et ont connu depuis plusieurs chutes/résurrections, ne disparaissant jamais tout à fait des radars. De plus, leur bagage technique est relativement similaire, à savoir une forte propension pour la lutte doublée d’une prédilection pour le jiu-jitsu brésilien. Deux artisans de la profession, souvent honorés des bonus de la soirée (cinq pour Chiesa, huit pour Sanchez) et deux hommes très appréciés du public américain. Notons l’exceptionnelle longévité de The Nightmare devenu The Dream qui disputera son 30e combat dans l’Octogone (score de 18-11), total le plaçant à égalité sur le podium avec Demian Maia et Jeremy Stephens, seulement devancé par Jim Miller et Donald Cerrone (32 apparitions).
L’expérience sera-t-elle le maître-mot pour un Sanchez apparu au meilleur de sa forme en mars dernier face au jeune loup Mickey Gall ? Entre préservation de sa légende et début de réflexion quant à la date de fin pour sa carrière, il devrait garder son habitude de disputer les trois rounds au même rythme dans la perspective d’une décision des juges, finalité s’étant présenté vingt fois sur ses quarante combats pros. Chiesa paraît aussi bien outillé pour clore les hostilités par soumission (11 abandons obtenus, dont huit par Rear-Naked Choke) que pour subir la défaite par ce biais (Kevin Lee et Anthony Pettis l’ont récemment fait rendre grâce). À 31 ans, il est encore habité par la faim d’accrocher une nouvelle légende à son tableau de chasse après Jim Miller et Carlos Condit.
Un mot sur la carte préliminaire : Le come-back de Gilbert Melendez, la relance pour Alejandro Perez ?
Référence absolue au temps du StrikeForce (double champion poids légers, score de 11-1 dans l’organisation), Gilbert Melendez était voué au plus haut dès son intégration à l’UFC, à savoir d’entrée challenger pour le championnat des 70 kg de Benson Henderson en 2013. Hélas, le combat s’achève sur une décision très controversée en faveur du tenant du titre, et derrière on ne retrouvera jamais le Californien flamboyant, échouant lors d’une 2e chance pour le titre face à Anthony Pettis, puis sombrant corps et âme (fiche insolite de 1-5 dans l’Octogone). Après presque deux ans d’absence, il va tenter de couper court à l’ascension d’Arnold Allen (14-1, 5-0 UFC), de 12 ans son cadet. Irrésistible de 2015 à 2018 inclus, Alejandro Perez (21-7-1,7-2-1 UFC) va tenter de conforter sa place dans le top 15 poids coqs et faire oublier son revers début mars face à Cody Stamann, Face à lui le prodige chinois de 21 ans Yadong Song (13-3 + 2nc, 3-0 UFC) dont il s’agira du premier gros test. Toujours à 61 kg, Marlon Vera aura l’occasion d’enchaîner une quatrième finalisation de rang face au modeste Nohelin Hernandez, nouvel arrivant intronisé en remplacement de Sean O’Malley à deux semaines du gala. À noter aussi chez les poids pailles féminins la présence de la rarement décevante Claudia Gadelha, #5 de sa division qui aura en charge de stopper la remontée de la Canadienne Randa Markos, actuel #14.
Retrouvez la carte complète et les résultats de l’UFC 239 Jones vs Santos ici.
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J’adore ce genre d’article, merci a vous, c’est super détaillé et tres agréable a lire.
« À peine transféré de la division des 84 à celle des 93 kg que Luke Rockhold affirme déjà haut et fort sa capacité à détrôner Jon Jones. Commençons par passer le piège Jan Blachowicz s’il le veut bien »
Trop ça lol